Patrimoine Canada menace la revue Solaris

Le parcours de l'écrivain avant...

Le Programme d’aide aux magazines artistiques et littéraires de Patrimoine Canada ne subventionnera que les publications qui se vendent à plus de 5000 exemplaires par année.

Cela exclut la plupart des revues culturelles… Dont Solaris, Virages et aussi Ciel Variable !

Or ce chiffre est d’autant plus injuste pour le côté francophone, que ce plafond minimum est le même que pour les revues anglophones, alors que le ratio anglo/franco est de 3 pour 1. Ce qui veut dire que, si on avait été juste, le plafond pour les francophones aurait dû être de 1250 copies. (Merci à Jean Pettigrew pour cette info).

Le parcours de l'écrivain - après

Cet article sur le site du Devoir par Jean Larose exprime très bien la situation.

http://www.ledevoir.com/culture/livres/289794/les-heritiers-du-refus

Après la disparition des émissions littéraires et les coupures à Radio-Canada, accusées d' »élitisme », ce péché, les magazines culturels à tirage modeste vont y passer. (Voir cet autre article dans le blog.)

À trop vouloir centraliser, privatiser et uniformiser la culture, on prive la prochaine génération de l’immense potentiel de créativité, celle qui permet de faire face aux problèmes et de trouver des solutions. Et c’est encore plus vrai pour ma saveur littéraire favorite, la science-fiction, qui débarre l’imagination.

Toutes saveurs confondues, la littérature, lorsque puisée au terreau de l’expérience, méditée, puis écrite avec coeur, provoque la réflexion, inspire l’action.

Comme l’écrivain  Yann Martel l’a mentionné, lui-même a publié ses premiers textes dans un petit fanzine de Vancouver géré par des bénévoles. Cette modeste publication l’a encouragé à continuer d’écrire. Il a aussi apprécié sa première subvention d’écrivain.

…1991, année où je reçus une bourse B du Conseil qui me permit d’écrire mon premier roman. J’avais 27 ans et cet argent me semblait une manne qui me tombait du ciel. Ces 18,000$ me durèrent un an et demi (au regard des impôts que j’ai versés depuis, ce fut un rendement exponentiel de l’investissement, je vous en assure )

Et de même, c’est la revue Solaris qui a publié mes nouvelles de science-fiction et une bande dessinée. C’est cette revue qui m’a motivée à écrire des nouvelles pour participer au Prix Solaris.

Avant Solaris, j’avais publié une nouvelle et un poème dans les premiers numéros (2 et 5) de la revue Ciel Variable, en 1987 !! Une autre revue menacée.  J’y ai fait la connaissance d’Hélène Monette, une jeune poétesse qui y avait publié ses premiers poèmes. Depuis, elle a fait du chemin et nous a apporté des livres audacieux plein de dynamite intellectuelle. Mais je me souviens de son poème La colonie: où est passée l’autruche?

En dix ans, je suis passée par le processus, récoltant d’abord des refus de la direction littéraire de Solaris. Mais ces refus venaient avec des commentaires éclairés, à la lumière desquels j’ai fini par améliorer mon écriture. Ces commentaires de Yves Meynard puis de Joël Champetier, avaient été rédigés de façon principalement bénévole. Solaris ne tirait pas à 5000 exemplaires par année, et les subventions complétaient les abonnements et revenus de publicité. Mais leurs conseils m’ont orientée vers la publication de mes nouvelles, puis de mes romans.

Les petits éditeurs (merci en passant à René Beaulieu qui me publia en 1999 dans son recueil Transes Lucides) sont des ressources aussi précieuses. Ils sont de patients jardiniers, cultivant des talents sans récompense autre que la satisfaction de voir poindre le fruit de leurs efforts.

Dans mon cas, cela a donné une dizaine de romans jeunesse, dont Les voyages du Jules-Verne, qui descendent directement d’une nouvelle… refusée trois fois! Et cela a apporté  une floraison de prix littéraires.

J’aimerais pouvoir vous annoncer que je suis devenue multi-millionnaire avec des hordes de lecteurs, la seule forme de succès que le gouvernement actuel respecte. Or, je suis fière d’écrire, de publier, et de donner des ateliers aux jeunes, des activités dont les résultats sont moins tangibles. Comme des plantes, ils poussent en silence.

En attendant, voici des liens:

– un  article de Caroline Monpetit dans Le Devoir.

Lettre de 27 revues et magazines culturels du Québec dans la Presse.

7 réponses à “Patrimoine Canada menace la revue Solaris

  1. Eh bien, la situation n’est pas plus réjouissante au Canada qu’en France, à ce que je vois 😦

  2. Ouain. En cherchant des sites de protestation sur le net je suis tombée sur des sites francais. Ah lala!

  3. Joel Champetier

    Petite précision au sujet du bénévolat de la direction littéraire de Yves Meynard et moi. C’était vrai, mais avec le passage des années, je me suis payé un (petit) salaire. Depuis le changement de format en 1999, je reçois un forfait pour mon travail sur chaque numéro, qui comprend une grande partie de la direction littéraire, mais aussi plein d’autres travaux de correction et de rédaction. Quand on calcule le temps que j’y passe, c’est à peu près le salaire minimum. Pas de quoi devenir millionnaire, mais pas non plus du bénévolat.
    Pour le reste, je partage ton outrage, et pour cause! 🙂

    Joël Champetier

  4. OK, j’amenderais pour « principalement bénévole ». Je persiste cependant à dire que de rendre les manuscrits des soumissions, et des participants au Prix Solaris, avec une bonne lettre de commentaires, c’est assez rare et apprécié!

    (Mes lettres de refus de Asimov, Analog, Locus, On Spec, etc… sont nettement moins élaborées. SF&F est une exception à mi-chemin, Gordon Van Gelder donne une ou deux phrases d’explication. Il est vraiment patient, avec le nombre de soumissions qu’il doit recevoir!)

  5. Merci pour les commentaires bien charpentés et qui mettent en avant ce qu’un auteur doit à des « petites publications ». Je fais passer le mot autour de moi aussi, car un gouvernement qui coupe dans la culture pour acheter des fusils, c’est pas vraiment ce que j’appelle une bonne répartition des ressources. :S

    Lily

  6. En effet.
    C’est fou tout ce qu’on pourrait subventionner avec 970 millions qu’on va flamber pour le G-20 à Toronto! J’ai hâte que tous ces leaders se rencontrent par holoprojecteurs…

  7. La directrice littéraire de Virages, Marguerite Andersen, fait savoir qu’une revue en milieu minoritaire comme _Virages_ doit sortir 2500 exemplaires par an.
    La marche est encore trop haute…

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