Archives de Tag: Poésie

Janvier

Janvier j’envie
les flocons
sans soucis

Janvier j’irais
voyager
dans ma tête

Janvier je veux
trop de choses
manque de temps

Janvier j’aimerais
voir danser
vent et neige

Janvier je vais
continuer
à marcher

Un sentier près de chez moi.

Ce poème improvisé a été inspiré par des flocons de neige qui tombaient, tout doucement, d’un ciel dégagé. Comme un beaume sur les coeurs douloureux.

Je souhaite de l’espace de marche et un répit pour tout le monde

Une feuille tombe…

Je viens d’apprendre le décès d’une consœur poétesse.

Cécile Cloutier

Non, vous n’avez jamais entendu parler d’elle dans le tourbillon des vedettes d’automne et du Blade Runner sorti cette fin de semaine.

Cécile ne courait pas après les caméras. Elle hantait le salon de Toronto, portant toujours des gilets tricotés aux couleurs superbes (gilet rouge à gauche, noir plus classique à droite). Elle a laissé une petite trace de poèmes chez plusieurs maisons d’édition comme l’Hexagone. J’ai eu le triste honneur de mettre sa page Wikipedia à jour parce que je voulais que ce soit quelqu’un qui l’aime qui s’en charge.

J’ai beaucoup de peine; sans être une proche, je m’entendais bien avec elle lors des Salons de Toronto. Je ne l’ai pas toute lue, mais lors d’une lecture, je suis tombée amoureuse de tout petits bouts de poème, comme:

Entend

le cri rond

du silence

J’espère que Cécile était bien entourée dans ses derniers jours sur cette terre qu’elle aimait tant. Elle consacrait dans son jardin de Neuville un arbre à chaque fois qu’elle perdait un ou une ami-e poète. Si vous plantez un arbre, pensez à elle…

Je termine par un extrait de poème de Cécile Cloutier qui évoque cette saison.

Un petit arbre devant ma maison, aux feuilles lumineuses

Une feuille tombe

Écoute cette parole de l’arbre

 

Le Grand Bond en Arrière

Egos fragiles s’abstenir.

Désormais, c’est prouvé!

N’importe quel zozo assez riche peut accéder aux plus hautes charges d’un pays. Du moment qu’il est mâle et blanc. On ferme les yeux sur sa vulgarité, ses frasques, ses agressions verbales ou pas, son sexisme suintant… et son évasion fiscale!

À l’inverse, on démonise une femme déterminée qui a démontré la persévérance, l’expérience et une volonté de fer qui auraient été louables chez un homme.  Du caractère, ça lui en a pris pour survivre à trente ans de vie publique à se faire observer au microscope par les vipères qui comptent ses rides ou espionnent ses courriels. Ce n’est pas une violette timide comme moi qui aurait défriché ce chemin semé d’embûches.

Consécration ultime du double standard!

The Guardian, Illustration by Jasper Rietman.

Illustration by Jasper Rietman, The Guardian.

Barbara Kingsolver, une auteure que j’aime depuis longtemps fait un triste constat du double standard et de la misogynie qui a empoisonné le débat présidentiel. C’est pas un plafond de verre pour une femme, c’est un labyrinthe…  (illustration du Guardian).

Je réfère à ces articles qui expliquent pourquoi on n’aime pas les femmes qui réussissent, sauf… si elles se pètent la gueule, alors là, on les adore!  Lire la suite

Des perles du 20e Salon de Toronto

Au Salon du livre de Toronto, j’ai rencontré quelques-uns d’entre vous et beaucoup d’auteurs, poètes, écrivains, qui ont partagé leurs réflexions. On n’arrête jamais de réfléchir à notre travail, de chercher à s’améliorer en écoutant les avis et expériences des autres. C’est un excellent ressourcement.

Des amis écrivaines : Aurélie Resch, Michèle Vinet, Sonia Lamontagnet  Daniel Groleau-Landry.

Des amis écrivain-es : Aurélie Resch, Michèle Vinet, Sonia Lamontagne,  et Daniel Groleau-Landry, un « p’tit nouveau ».

Une brochette d'auteurs!

ici, une autre brochette d’auteurs du RECF : outre les amies déjà mentionnées, on voit Melchior MBonimpa, et au bout de la ligne de tables, Michel Ouellette

Eric Péladeau et Mireille Messier

Éric Péladeau et Mireille Messier, qui a gagné le prix de l’Alliance française 2012. Les romans jeunesse évalués par les comités des jeunes cette année: Si on ne voit pas bien le livre lauréat « Fatima et les voleurs de clémentines« , mon roman Mica Fille de Transyl a quand même été un des quatre romans finalistes de ce prix!

La cuvée 2011-2012 de romans jeunesse écrits par des franco-ontariens!

Le projet Ithuriel s’est avéré populaire au près des lecteurs adultes et des adolescents. Il faut dire que « le Canada après l’ère des Choix Difficiles » en intrigue plus d’un… L’éditeur a mis en ligne un microsite qui donne quelques pistes socio-culturelles pour le roman. Mon autre livre, Le labyrinthe de Luurdu, a connu des ventes plus modestes, même s’il clôt le cycle de la Quête de Chaaas. Il faut dire que le prix de vente pour la longueur du livre est moins avantageux que pour Mica et Le projet Ithuriel.

Technologie salvatrice!

Notre moment de détente: quand Claude Forand (auteur de Un moine bavard, chez David) a tenté de tester une nouvelle technologie avec le sympathique Jacques Prud’homme de Druide informatique… qui peut recevoir des appels via ses appareils auditifs.

Et voici donc quelques perles, glanées selon ma mémoire (émission Grands Lacs Café du samedi matin 8 décembre 2012, animée par  Éric Robitaille):

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Marie Laberge, avec Danielle Vallée et Mireille Messier. Les Nouvelles de Martha, son roman épistolaire de Madame Laberge, était posté toutes les deux semaines à ses abonnés. Plusieurs lecteurs vivaient isolées, et ses lettres étaient le seul courrier qu’elles recevaient! L’auteure évoque la solitude, et la difficulté de rompre « le cercle vicieux du monologue intérieur« .

Le monologue intérieur… Voilà cette voix présente en tout temps dans nos têtes. C’est l’imagination qui part d’une impression fugitive, une image, un mot mal interprété, et qui s’emballe comme un moteur, part sur une route tracée d’avance vers la rancoeur ou la rancune. On devrait mettre un panneau: Attention, route glissante!

On pourrait être tentés de gommer ses souvenirs, comme le personnage de Revenir de loin, amnésique, libéré des émotions. Mais il ne serait pas bon de se départir des mauvais souvenirs pour ne garder que les bons, comme dans une nouvelle de Charles Dickens: le personnage est libéré, mais il devient incapable d’empathie envers les autres.

Pour briser ce monologue intérieur dans lequel s’enferme notre imagination, il faut se rapprocher du réel. Parler à un parent (parfois isolé aussi), un copain, ou bien regarder un beau paysage.

Tiens, en voici un qui allie nature et ingéniosité: des cultures de riz en terrasse, à flanc de montagne en Chine, province de Yunnan. Une gracieuseté du National Geographic, qui offre sur son site de télécharger le fond d’écran qui va avec la photo.

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Le temps des Fêtes qui approche est particulièrement pénible pour les solitaires, ceux éloignés ou brouillés avec leur famille. Comme la St-Valentin, mais en pire, à cause de l’aspect religieux et spirituel de l’évènement  en fort contraste avec la pression de réclames publicitaires. Nous sommes bombardés d’images où domine le rouge et le blanc. Nous sommes stressés, griffés par des centaines de petites hachures d’obligations ou de traditions et visites, perdus dans une foule d’acheteurs pressés.

Ouf! Arrêtons-nous un peu pour souffler. Prenons le temps de contempler les petites choses, comme cet éclairage intérieur aperçu dans un restaurant de Toronto, sur l’avenue Yonge.

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La poésie se fait refuge, car elle oblige à lire lentement, à prendre une pause.

Entend
le cri rond
du silence

Une autre perle du Salon est tombée d’un poème lu par Cécile Cloutier, qui écrit des poèmes très courts, des poèmes-îlots qui chantent à l’oreille:

Une feuille tombe
écoute cette parole
de l’arbre 

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Voila, c’est tout pour aujourd’hui!

La main invisible

La main invisible

(une courte histoire du marché)

1

Mon père est le troc
ma mère la propriété privée
je suis leur enfant aveugle

ma main invisible
tisse la toile
où se débattent les forts
où s’engluent les faibles
je suis ma propre loi
au-dessus des lois
celle de la jungle

où offre et demande
copulent en toute liberté

Je suis le marché

dans mes veines
circulent l’or l’argent
la myrrhe et l’encens
rivière de désirs en Bourse
dévalant la pente du plus offrant
je couronne des rois éphémères
qui crashent le lendemain

TSX 300
Standard&Poor’s 500
New-York Toronto
Amsterdam Tokyo Londres

J’aime la panique
qui secoue les planchers
quand les moutons de Panurge
galopent vers leur liberté 55
vendent tous en même temps
et se jettent du haut de la falaise

mardi noir de 1929
effondrement de la bulle technique
mercredi des Cendres

Je suis l’entonnoir
de la frénésie boursière
le trou noir de la compétition
le gouffre des bonnes intentions
la glaise des fusions d’entreprises
toujours plus grosses
mariage d’actifs
béni par le Ministre
ferment de richesses
toujours plus concentrées

le capitalisme est mort
vive le monopolisme!

2

Je me souviens
des aventuriers
flottes marchandes lancées
sur les océans du globe
forêts tropicales brûlées
forêts nordiques rasées
fières tribus décimées
traite des fourrures
commerce de diamants
trafic d’esclaves

colonies africaines exsangues
bues jusqu’à la dernière goutte

Je suis le marché
de l’or noir
derricks vampires buvant
le sang épais de la Terre
répandu dans les océans
par les mastodontes flottants
cent Exxon Valdez trébuchant
sur les récifs du nord brisé
cent mille goélands maculés
titubant sur les plages souillées

toujours affamé
je mordrai à bonne dents
dans la chair juteuse de la planète
jusqu’à son noyau liquide
de fer-nickel

que j’aspirerai
avec une longue paille

3

Je suis la ronde joyeuse
des soldes à ne pas manquer
Halloween Noël Boxing Day Pâques
fêtes des mères des pères
des secrétaires alouette
départ de vacances
retour à l’école
entrepôts géants aux soldes calculés
pour écraser les petits commerces
regarde la guerre des prix

mon épicier est devenu
caissier au Mega Mart

Je suis le bidouilleur
des hypothèques branlantes
des taux accordéons
des monnaies volatiles
des maisons perdues
des faillites ordonnées
des familles enchaînées
à leurs cartes de crédit
c’est comme le Titanic
les riches en canot de sauvetage

les pauvres noyés
dans leurs dettes

Je suis le fournisseur
des prisons privées
pleines des corps tombés
entre les mailles du filet
jeté sans conviction
par les gouvernants
castrés endettés en diète
leur déficit ceinturé
par les promoteurs

réfugiés dans leurs quartiers murés
avec garde prétorienne à la clef

Je suis la call-girl
assouvissant les désirs
de la cupidité organisée
trônant au sommet de la pyramide
sans voir sous leur pieds
les enfants des ruelles
vendeurs de drogues
et trotteuses de minuit
fuyant les escadrons de la mort

je parle par la bouche
de vos fusils

Je suis le marché
import-export
du made in China
des self-made men
qui ne sentent pas
les odeurs décrépites
des usines abandonnées
délocalisées déménagées

près des taudis où s’empilent
travailleurs et rats

je suis le Free Trade
bâti sur l’esclavage
et les servitudes héritées
des coupeurs de cannes
celui des zones franches
maquiladoras
mangeuses d’ouvrières
usées jusqu’à la corde
par les journées de quinze heures
leurs poches vides
leur estomac creux
et consommées elles aussi

comme les huit cents roses
écrasées à Ciudad Juarez

je suis le marché
des guerres civiles
en mon nom tombent
les démocraties
vous êtes libérés
proclame le Titan
en installant un tyran
sur le trône criant
sentez-vous bien libres
d’acheter mes biens
au prix que je vous dicte

sinon
(points de suspension)

Je suis la course
au champignon nucléaire
pour faire peur au voisin
lui voler sa place
sur l’échiquier
aux armes citoyens
je suis la course aux munitions
pour mieux trucider son prochain
Je suis la course à l’espace

vite vite trouvons un autre monde
à vider de ses ressources

4

Je suis le marché
de la bonne conscience
de la charité bien ordonnée
qui commence par soi-même
fondations à gogo
dames patronnesses
rois du pétrole anoblis
nababs au bras de starlettes
brillant de tous leurs feux
dans les bals de bienfaisance
écoutez ces évadés fiscaux
chanter la main sur le cœur

we are the world
we are the people

leur main droite distribue
au compte-goutte
la manne aux indigents
leur main gauche
dissout leurs économies
spécule sur leurs rentes
cache leur magot au Bahamas
détruit leurs syndicats
car il faut toujours se garder

une provision de pauvres
à qui faire la charité

Je suis le marché
des preachers
qui vendent l’éternité à rabais
sous une tente rayée
blanche et rouge
qui condamnent les péchés de chair
qui pardonnent les péchés véniels
moyennant espèces sonnantes
celui des born-again Christians
qui ont oublié le Christ
mais pas le cash

praise the Lord !
vous irez tous au paradis fiscal

Je suis le marché des médias
dont le regard de Big Brother
vous fascine
les feuilles à scandale
qui attisent la haine
envers
ces pelés
ces galeux
ces pouilleux dépouillés
qui tendent la main
mais que fait la police
barrez vos portes
et surtout n’oubliez pas

de donner généreusement
aux dames patronnesses

Je suis le Léviathan
de l’agrobusiness
qui brevette la nature
clone et copie
au nom de la liberté
imposant ses semences
génétiquement merveilleuses
aux familles besogneuses
arrosées de pesticides

5

je suis le marché aveugle
et pourtant j’entends

gémissements de l’ouvrière
sous les coups du contremaître
pleurs étouffés de la fillette
aux doigts saignants
cris des marcheurs
qui défient les gaz
ricanement sec des mitraillettes
dernier soupir
du syndicaliste assassiné
en mon nom encore
tout comme ont disparu

Chico Mendes
Iqbal Masih
Digna Ochoa y Plácido
et tant d’autres

je suis le marché
des volontés qui s’affrontent
de dispute en dispute
ma main devient plus visible
voyez la laine tondue sur votre dos
qu’on vous revend au prix fort
voyez les haillons des ouvrières
des enfants-soldats des parias
voyez sur la grande Toile
ces fils d’araignée qui lient

les humbles tisserandes
à vos robes griffées

je suis le reflet de vos désirs
la somme infinie
de vos gestes
de vos courages
des vos marches
de vos Porto Alegre
de vos imaginations débarrées

pour construire à neuf
des milliards de voix
murmurent tout bas

otro mundo es posible

6

je suis le marché
aux yeux grand ouverts
et je vois
brillant à l’horizon
un étrange New Deal

achat partage
de bon voisinage
pays solidaires
prospérité équitable
maisons vertes
fleurissant partout
abus domptés
nature guérie
la Terre apaisée
la peur vaincue
l’indifférence en fuite
la dignité revenue

étrange
je ne savais pas
que j’avais une âme

et huit milliards de corps

7

Nous sommes le marché
humanité présente et future
force créatrice de l’univers

espace de libertés multiples
lieu d’échanges
odeurs mêlées
épices et fruits
tissus chatoyants
tournoyant aux quatre vents
feux sans artifices
les enfants du village global
courent sautent rient et chantent
sous l’œil joyeux des parents
discussions passionnées
toutes langues confondues

*

Nous sommes le marché

et désormais
nous marchons
ensemble

*

Une version de ce poème a été récitée en public à la Nouvelle-Scène d’Ottawa le 30 septembre 2010, lors du lancement du recueil Haiti je t’aime. la présente version à été remaniée pour l’événement spécial « Occupons Wall Street« 
Pour les curieux, voici la version anglaise ici.