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Framboises utopiques

Les pluies intermittentes ont accéléré le mûrissement de nos buissons de framboises. La savante folle doit délaisser l’écriture de ses romans de SF pour cueillir ces perles carmin!

Croyez-le ou non, j’ai récolté neuf pots de framboises congelées cette année.

Nourrir l’humanité?

Bien sûr que non, pas avec mon tout petit jardin!

Mais avec ces neuf contenants de margarine pleins de framboises, imaginez ce qu’on paierait à l’épicerie en hiver. C’est ma petite contribution à la résilience de notre maisonnée. Vive l’agriculture urbaine, si modeste soit-elle!

Quand je cueille n’importe quoi, des pommes en automne, des fraises, des baies de Saskatoon, des bleuets… l’auteure de science-fiction en moi songe à la générosité de la nature, et à la fragilité de notre société. Difficile de faire autrement avec l’état de la politique et du monde. J’ai écrit des dystopies sociales, dont ce roman chez David qui donne froid dans le dos avec ses prévisions.

Mais je préfère me projeter dans un ailleurs très lointain, et imaginer des sociétés différentes, plus utopiques, comme les Jardiniers de La quête de Chaaas.

Dystopie quand tu nous tiens

J’aime bien les films de SF dystopique comme les Mad Max à l’époque, très excitants, mais oh, que je suis consciente de la difficulté de reconstruire quand les gens se méfient les uns des autres, quand la nourriture et l’eau manquent. (Et je me demande où ils trouvent toute cette essence pour faire rouler leurs gros chars dans le désert!)

Pour produire une dystopie, on divise les gens pour mieux régner.

  • On détricote la cohésion sociale avec les médias contrôlés par une dizaine de super-riches qui s’auto- proclament « esprits libres »;
  • on monte des groupes les uns contre les autres;
  • on attise la haine comme un feu de camp, et on ne manque pas de bûches à brûler.
  • On tire des mots-boulets de canon comme woke (être réveillé.e c’est le mal!), parasites, fauteurs de trouble;
  • tout en retirant le maximum d’autonomie aux citoyens, réduits à des porte-monnaies.

Cueillir, un acte de contemplation

Cueillir sa nourriture avec lenteur, sans crainte, me semble une des bases du bonheur. Cueillir est un acte de contemplation. Cueillir cultive la patience, tellement aux antipodes du feu d’artifices d’excitation, ce bruit qui étouffe la pensée.

Je me pique les doigts beaucoup en allant attraper sous les feuilles, des fruits qui mûrissent en silence. L’effort particulier de cueillir des petits fruits me rapproche des paysannes qui font ces mêmes gestes dans des conditions beaucoup plus difficiles. Le dos, les genoux, les cuisses se barrent. Le cou fatigue car je me penche en un U inversé pour repérer les framboises prêtes.

Il faut savoir ne pas tirer trop fort. Être zen. Mettre juste assez de force pour détacher le fruit à point. S’il résiste, il faut patienter un peu. En ce moment au 3 juillet, les framboises mûrissent presque à vue d’oeil. On dirait que du Rubus idaeus sait quand un animal a dégarni ses branches, et les fruits restants se mettent à rougir plus vite.

Ces généreux buissons, une fois dégarnis, jaunissent et, leur devoir accompli, meurent, pendant que les nouvelles poussent s’étirent vers le ciel.

Les mots à cueillir

Dans la vie d’écriture et de création, je n’attends pas la muse, mais les résultats se font parfois attendre! Je jette des histoires à la mer et quelques unes surnagent, trouvent leur place sur un cargo ou un paquebot qui passe.

Je travaille ce printemps et cet été sur deux histoires, pour des publics différents. Et parfois je tombe en panne. Une intrigue manque de conflit, pour l’autre, l’information est difficile à trouver.

Alors quand je coince, rien de tel que cet acte si concret, si doux, de cueillir des petits fruits en attendant de cueillir des mots.