La suite des aventures de notre vaine écrivaine et de son patient mari! Au moment où nous avions laissé notre sympathique couple, des nuages venaient de cacher l’azur du ciel, et donc de menacer la vue d’un phénomène aussi céleste que rare.

MICHÈLE, le nez en l’air, plisse les yeux comme pour faire fuir les nuages, mais peine perdue, le firmament reste indifférent à ses ondes mentales.
MICHÈLE (le nez en l’air) : Grogn! Tous ces nuages vont gâcher notre observation!
GILLES : On ne verra peut-être pas l’éclipse après tout…
MICHÈLE se sent un peu coupable d’avoir insisté pour que le bon mari prenne une journée de congé ce 8 avril. Enfin, notre écrivaine enthousiaste se secoue et décide de faire contre mauvaise fortune bon coeur. Il y a une raison pour laquelle elle a choisi le jardin botanique de Burlington (Royal Botanical Gardens).
MICHÈLE (tapotant l’épaule du bon mari): : Bon ben, faut voir le bon côté des choses: on a un superbe parc pour se promener et observer les oiseaux en attendant l’heure H. Et puis, même avec les nuages, on va bien s’en apercevoir quand il va faire noir!
Ainsi fut fait. Main dans la main, notre couple de scientifiques amateurs sillonnent les sentiers. Ce 8 avril, une flopée d’oiseaux célébraient le printemps avec leur ramage, tandis que les feuilles encore occupées à bourgeonner nous laissaient voir leur plumage. Plusieurs mésanges poussaient même l’audace à se poser sur les mains tendues des touristes (car bien des Ontariens avaient eu la même idée. )
Le parc compte des marais que l’on traverse à pied sec sur des passages surélevés, et un petit pont qui enjambe un bout de lac plein de cygnes.
Notre couple croise :
1- des naturalistes installés pour prendre des photos des animaux du parc, surtout les oiseaux pour évaluer les réactions.
2- Une famille hamish tout de noir vêtue en train de pique-niquer. On les croirait sortis du XIXe siècle, les femmes en robe longue et bonnet, les hommes en barbe et bretelles (mais équipés des lunettes d’éclipse, quand même, ah, la modernité!)
3- Deux bonhommes d’un certain âge en pick-up peinte F*ck Trudeau! qui se débarquaient un canot pour pêcher au milieu du lac.
4- Un monsieur et son épouse qui avaient chacun un super-canon (Cannon) pour prendre des photos de l’éclipse, ce qui fit regretter à GILLES de n’avoir que son téléphone. Le monsieur nos a laissé gentiment soupeser son appareil, incroyablement léger!
5- une dame plus âgée elle aussi équipée d’un bon appareil, qui photographiait des cygnes (les plus gros oiseaux flottant sur le lac, même les bernaches en ont peur!)
6- Des cygnes, des goélands, des bernaches, de pics, des mésanges, geai bleus, bruants… des oiseaux en veux-tu, en v’là! MICHÈLE se considère particulièrement gâté par ces chants d’oiseaux qui accompagnent leur marche.
Après avoir marché des kilomètres, et collationné sur un banc d’amoureux près des marais, MICHÈLE et GILLES reviennent sur leurs pas vers le petit pont où ils ont repéré des bancs bien orientés. MICHÈLE consulte sa montre.
MICHÈLE (levant le nez vers les nuages): ah maudine, l’éclipse est en cours pis on voit rien!
GILLES (observateur) étonnant car on ne voit pas de diminution de lumière ambiante.
Arrivés au petit pont, la famille amish est encore là, les cygnes aussi. Un cygne trompette, c’est gros en titi, même les bernaches ont l’air de moineau rachitiques à côté! Sur leur plumage d’un jaune moutarde douteux, on distingue des plaques orange vif avec des numéro de bingo B-23. C’est que le parc a aménagé des lacunes pour protéger l’espèce. D’autres oiseaux en profitent aussi, telle une sterne arctique, un oiseaux que je n’avais jamais observé auparavant, en pleine migration.
GILLES et MICHÈLE re-croisent le couple de retraités super-bien équipé côté caméra; ce ne sont plus des objectifs, mais des canons… La dame d’un âge certain, elle aussi suuuper bien équipée demande de partager leur banc. Factoïde intéressant : c’est une charmante bénévole qui a assisté à l’éclosion des cygnes qui pataugent allègrement devant nous.
Alors que GILLES, passionné de photographie, échange avec le couple (parce que le bon mari est moins à jour avec son équipement), MICHÈLE remarque que… les nuages s’éclaircissent!
Vite-vite, elle chausse les lunettes. Et observe cette belle orange entamée malgré le voile de nuages!

Vite, vite, nous mettons nos lunettes! GILLES se dit qu’il aurait dû apporter son appareil photo, car le téléphone n’est pas terrible pour capture la totalité.
Chose surprenante, il faut attendre qu’il reste un tout petit bout de soleil avant que le soir illusoire ne tombe. Et, les animaux? Eh bien ça ne les a pas énervés du tout! Ce sont les humains qui se sont mis à crier de joie dans l’obscurité.
MICHÈLE (les yeux brillants) : Aaaah, la totalité! On est gâté, je vois Jupiter, là…
En effet, au-dessus de nos amoureux, le ciel assombri s’est piqueté d’étoiles (et d’une couple de planètes que MICHÈLE a vite fait de repérer) tandis que sur le pourtour, régnait un coucher de soleil à 360 degrés.
GILLES: je suis content d’avoir pris congé, finalement…
GILLES et MICHÈLE se donnent un bis furtif.
(Smouck)
Un troupeau de petits nuages galopait dans le ciel, mais aucun pour cacher le couple Lune-Soleil. La sublime bague de diamant que Michèle a observé direct avec ses jumelles… avec les petites protubérances rouges-violettes sur le pourtour!
MICHÈLE: snif!

Bref, notre couple a bien profité du parc, et observé l’éclipse pendant une grosse minute et demie. Un moment de bonheur astronomique que MICHÈLE gardera longtemps en mémoire!
Dessin de MICHÈLE fait dans son calepin au crayons de couleur, de mémoire, au retour de cette remarquable expédition. Les rayonnements étaient impressionnants, même si elle s’attendait à de plus grosses protubérances!







